La gueule de leur monde d’Abram Almeida, une satire de la migration
Dans ce premier roman coup de poing, Abram Almeida, nouvel auteur trentenaire d’origine béninoise, imagine l’histoire d’un migrant africain qui tente de rejoindre l’Europe malgré mille et un dangers. Le tour de force de La gueule de leur monde réside dans l’emploi d’une verve à la fois édifiante et hilarante pour aborder un vrai drame humanitaire.
De la désillusion à l’exil
Le narrateur est un jeune diplômé burkinabè en économie qui cherche du boulot depuis 2 ans. Il est devenu totalement désabusé quant à l’avenir de l’Afrique, qu’il décrit comme “un gruyère” où on entre et on sort de tous les côtés, et qui est de toute façon géré par les puissances occidentales.
Alors qu’il rentre chez lui au terme d’un énième entretien, il rencontre 2 migrants ghanéens qui ont bac+7 mais qui ne trouvent pas de boulot dans leur pays et qui cherchent à se barrer en Europe. Il a une illumination : la solution, c’est de partir, comme eux. Et paradoxalement, alors qu’il n’a plus aucune foi en l’humanité, il se lance dans l’aventure avec optimisme. Justement peut-être parce qu’il n’a plus rien à perdre et peur de rien.
Un Candide africain sur la route de l’espoir
Abram Almeida s’est inspiré de Candide de Voltaire. En effet, rappelez-vous que ce personnage complètement à côté de la plaque essuie les pires catastrophes et voit tout le monde crever, mais continue tout de même tranquillement son voyage dans l’insouciance.
Au cours de son périple, le héros de La gueule de leur monde croise des djihadistes, des esclavagistes, et plein d’autres vermines pour qui les migrants n’ont pas plus de valeur qu’une mouche. Crimes gratuits, hautes trahisons, trafics en tous genres, corruption à gogo… malgré tout ce bourbier, ces pauvres migrants ne lâchent pas l’affaire car ils sont prêts à tout.
On nage dans l’absurdité la plus totale, comme le témoigne notamment ce moment culte où le narrateur et ses compagnons de galère tentent de rejoindre le Maroc depuis l’Algérie. Ils se retrouvent coincés en sandwich parce que les gardes-frontières des deux pays veulent les repousser dans le pays d’à côté.
La gueule de leur monde, un ovni littéraire
Un sujet grave traité sans sentimentalisme, un style décontracté dans le genre Voyage au bout de la nuit de Céline, un humour noir, un regard satirique sur les grands problèmes de l’Afrique… ce sont tous ces ingrédients qui rendent ce roman absolument exquis.
C’est en étudiant la question des droits de l’homme en Afrique dans le cadre de son travail qu’Abram Almeida a eu l’idée d’écrire ce roman et l’envie de donner une voix aux migrants. Très inspiré, il l’a pondu en 2 mois et l’a auto-édité sur Amazon. Voilà, c’est ainsi qu’est né ce petit ovni de la littérature afrodescendante, qui vaut son pesant d’or.
Extraits :
“Évidemment, lorsqu’on est en plein désert dans un véhicule surchargé, un virage mal négocié, un gros rocher qu’on n’a pas vu sous le sable, et voilà qu’arrive ce qui doit arriver. Notre pick-up tomba en panne. Au milieu du Sahara, après ce qu’on venait de vivre, l’annonce d’un cancer de stade trois aurait été une bien meilleure nouvelle”.
“Lorsque nous essayions de passer côté algérien, nous étions accueillis par des jets de pierres, tandis que côté Royaume, nous étions copieusement molestés à coups de matraque, ce qui est vous en conviendrez avec moi, beaucoup plus civilisé. Au bout de deux côtes fêlées, un bras fracturé et un évanouissement, nous avons déclaré forfait”.
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